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14 janv. 2025
Rémi Bazille
3 Minutes
Social Learning - De quoi parle-t-on ?
Le social learning suscite de plus en plus d’intérêt dans le monde de la formation professionnelle. Avec la multiplication des outils numériques et la nécessité de maintenir une dynamique collaborative, cette approche semble répondre aux attentes des apprenants et des entreprises. En France, où la digitalisation est en plein essor, le social learning apporte une dimension sociale et participative qui transforme l’e-learning traditionnel.
Origines et définition du social learning
Le terme social learning décrit un processus d’apprentissage où les individus se forment mutuellement à travers leurs échanges, leur collaboration et leurs retours d’expériences. Grâce à la généralisation d’Internet, ce concept est monté en puissance, permettant à de nombreuses entreprises de créer des communautés actives qui favorisent la construction de nouvelles compétences.
En France, cette évolution a accompagné la croissance de l’e-learning. D’après une étude menée par la Fédération de la Formation Professionnelle (source : FFP, 2022), près de 60 % des organismes de formation français ont intégré au moins un module collaboratif dans leurs programmes en ligne. On constate ainsi que les plateformes d’apprentissage ne se limitent plus à proposer des cours magistraux ; elles incluent désormais des espaces de discussion et des forums où chacun peut interagir.
Le social learning va plus loin qu’un simple partage de documents. Il met en avant la puissance de la dynamique de groupe. Les membres sont encouragés à s’exprimer, à soulever leurs problématiques et à apporter des solutions. Cette méthode, souvent assimilée à l’apprentissage par la foule, repose sur la conviction que l’intelligence collective peut accélérer l’assimilation de connaissances.
L’importance des interactions dans la formation
Auparavant, l’e-learning s’appuyait surtout sur des contenus statiques : vidéos, quiz, supports de cours téléchargeables. Or, l’un des défis majeurs résidait dans le maintien de la motivation des apprenants, qui se retrouvaient fréquemment isolés face à leur écran. Le social learning offre une réponse à cette problématique en créant un écosystème d’échanges.
L’attrait de cette formule repose sur la possibilité pour les apprenants d’interagir en temps réel ou de manière asynchrone via :
Des plateformes LMS spécialisées : Elles proposent des espaces de dialogue, des systèmes de messagerie instantanée et des fonctionnalités permettant la co-construction de projets.
Des classes virtuelles : Elles réunissent formateurs et apprenants par visioconférence, avec la possibilité de partager des écrans, des sondages et des ateliers collaboratifs.
La valeur ajoutée est indéniable : selon une enquête du cabinet d’études IFOP (source : IFOP, 2021), près de 45 % des Français considèrent que l’apprentissage collaboratif est plus stimulant et donne envie de creuser davantage les sujets abordés. Cette stimulation collective participe activement à l’enrichissement des connaissances, car chacun peut bénéficier de l’expérience des autres.
Le rôle décisif d’Albert Bandura
Pour mieux cerner le concept, il est essentiel de revenir sur les travaux du psychologue Albert Bandura, pionnier de la théorie de l’apprentissage social dans les années 1970. Son approche démontre que l’apprentissage ne s’opère pas uniquement via la réception d’informations, mais aussi par l’observation, l’imitation et les échanges émotifs au sein d’un groupe.
Selon Bandura, lorsque les individus observent leurs pairs réussir une tâche ou adopter une certaine attitude, ils ont davantage tendance à reproduire ce comportement. Cette idée se retrouve pleinement dans le social learning : au contact de leurs collègues ou d’autres apprenants, les participants comprennent mieux les enjeux et intègrent plus rapidement les notions enseignées.
En France, plusieurs établissements d’enseignement supérieur (comme l’Université de Lille) se sont appuyés sur les travaux de Bandura pour concevoir des modules d’apprentissage basés sur la mise en situation et la collaboration (source : Université de Lille, 2020). Les résultats ont mis en avant une hausse significative de la participation en ligne et une meilleure rétention de l’information.
Le modèle 70.20.10, un autre regard sur la formation
Dans le prolongement des travaux de Bandura, le modèle 70.20.10, popularisé par l’expert en formation Jay Cross, met en lumière l’importance de l’informel et de l’échange dans l’acquisition de compétences.
Selon ce modèle :
70 % de l’apprentissage provient des expériences professionnelles quotidiennes.
20 % découlent de l’interaction avec les pairs, les managers et les experts.
10 % sont liés aux formations formelles, telles que les cours et les sessions en présentiel.
Le social learning s’inscrit clairement dans la part de 20 % dédiée aux échanges et au mentorat. Il s’agit donc d’un levier puissant pour renforcer l’engagement des apprenants. En France, de grands groupes comme EDF ou Cetelem se sont emparés de ce principe pour créer des communautés internes de partage, où les collaborateurs peuvent échanger sur leurs retours de terrain, poser des questions et proposer des solutions pratiques.
Lorsque le modèle 70.20.10 est appliqué intelligemment, les entreprises y voient plusieurs bénéfices mesurables : une accélération de la montée en compétences et, à moyen terme, un retour sur investissement amélioré grâce à la baisse du nombre d’heures de formation en salle. Cette démarche s’avère particulièrement adaptée aux structures multisites, qui cherchent à développer une culture commune et à faire circuler le savoir.
Outils et canaux privilégiés pour le social learning
Si les réseaux sociaux traditionnels comme Facebook, Instagram ou YouTube ont un large écho, ils ne sont pas forcément adaptés à la formation professionnelle. C’est pourquoi des canaux dédiés ont vu le jour, spécifiquement pensés pour l’apprentissage collaboratif.
Parmi les plus courants, on retrouve :
Les plateformes LMS (Learning Management System) : Elles proposent des fonctionnalités de forum, de chat et de suivi personnalisé des progrès de chaque apprenant.
Les applications de classes virtuelles : Elles facilitent l’organisation de sessions de groupe, avec un échange d’idées dynamique, voire la constitution de sous-groupes de travail.
Les espaces collaboratifs d’entreprise (Intranet) : Reliés à des bases de connaissances internes, ils encouragent un partage en continu entre les salariés.
Le principal avantage de ces solutions tient à leur orientation pédagogique. Elles permettent de créer des parcours plus structurés et de capitaliser sur les interactions via des fils de discussion, des possibilités d’évaluation mutuelle ou encore des quiz intégrés. Selon le cabinet Deloitte (source : Deloitte, 2022), le déploiement d’une plateforme LMS avec des options collaboratives peut augmenter le taux de rétention des connaissances de 30 % à 40 %.
Forces et limites de l’apprentissage collaboratif
Le social learning suscite un enthousiasme grandissant, mais il n’est pas exempt de contraintes. Parmi les avantages, on peut citer :
Une dynamique d’entraide : Chaque apprenant peut partager ses expériences, poser des questions et progresser grâce au groupe.
Un engagement renforcé : En devenant acteur de leur formation, les participants manifestent un intérêt accru pour les contenus et les activités proposées.
Une réduction des coûts : Moins de déplacements, moins de frais de location de salles, donc un budget formation mieux maîtrisé.
Un sentiment d’appartenance : Les communautés virtuelles tissent des liens entre les collaborateurs, contribuant à la cohésion interne.
Cependant, certaines limites doivent être prises en compte :
Difficulté d’évaluation : Mesurer la progression de chacun peut devenir complexe, car l’apprentissage est informel et s’éparpille dans différentes discussions.
Nécessité d’encadrement : Un manque total de cadre risque de faire dériver les échanges ou de créer des inégalités dans la participation.
Contraintes sectorielles : Dans certains domaines très réglementés (banque, santé, défense), la mise en place d’outils collaboratifs ouverts est parfois freinée par les règles de confidentialité.
Malgré ces défis, de grandes enseignes françaises comme LCL ou 3 Suisses ont démontré que, sous réserve d’une bonne gestion, le social learning peut transformer positivement la culture d’entreprise. Les collaborateurs apprennent alors à se tourner spontanément vers leurs pairs en cas de question, plutôt qu’à attendre un module de formation formel.
Dimensions économiques et légales en France
D’un point de vue économique, le social learning offre un levier d’optimisation. Selon la Banque de France (source : Banque de France, 2021), les entreprises hexagonales investissent en moyenne 3,4 % de leur masse salariale dans la formation professionnelle. Réduire certains coûts logistiques et utiliser la force du collectif peut donc constituer un avantage concurrentiel majeur.
Au plan légal, la transformation numérique de la formation doit néanmoins se conformer à la RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), particulièrement si les plateformes de social learning collectent des données sur le parcours et les contributions des apprenants. Les organismes de formation et les entreprises doivent s’assurer que les outils utilisés sont sécurisés et que les données personnelles sont bien protégées.
Par ailleurs, les conventions collectives et les obligations légales de formation exigent que certains contenus soient traçables (attestations, certificats). Les éditeurs d’outils de social learning proposent généralement des modules de suivi ou d’export de données pour répondre à ces exigences. Il reste cependant essentiel de bien définir en amont les règles d’accès et de validation des parcours collaboratifs.
Analyse : une évolution incontournable et des enjeux de plus en plus stratégiques
Le succès du social learning découle de facteurs multiples : la nécessité pour les entreprises d’impliquer leurs salariés, la volonté d’alléger les coûts de formation et le besoin d’apprendre en continu face à des marchés volatils. Cette méthode répond également aux attentes des nouvelles générations, habituées à évoluer dans un environnement digital où la collaboration s’établit spontanément.
Sur le long terme, on peut s’attendre à ce que les outils collaboratifs se perfectionnent, en intégrant par exemple l’intelligence artificielle pour mieux organiser les groupes de discussion ou recommander des contenus adaptés. L’apprentissage social pourrait alors se combiner à d’autres tendances comme le microlearning ou la gamification, afin de proposer des parcours encore plus immersifs et personnalisés.
Afin de soutenir cette dynamique, les acteurs institutionnels (OPCO, organismes certificateurs) encouragent de plus en plus l’innovation pédagogique. Les employeurs s’orientent vers des formations moins descendantes et plus participatives, avec l’idée de faire monter en compétence l’ensemble de leurs salariés, tout en fidélisant les talents déjà présents.
Vers un apprentissage encore plus participatif
En fin de compte, le social learning réinvente la manière dont la formation se construit et se vit dans les organisations françaises. Au-delà de la simple diffusion de savoirs, il instaure une véritable culture de l’échange et de l’entraide, où chacun devient tour à tour apprenant et mentor.
Cette approche, bien que récente, trouve déjà de nombreux échos dans les entreprises qui y voient l’opportunité de valoriser l’expertise interne et de bâtir une dynamique collective forte. En misant sur la proximité, l’interaction et la collaboration, le social learning se présente comme un facteur-clé d’agilité et d’innovation, répondant aux défis d’un marché du travail en constante mutation.
Le social learning n’est pas seulement une méthode : c’est un état d’esprit, où la formation devient un processus collectif, fluide et évolutif, au service de l’intelligence partagée.